- LANGUE (NIVEAUX DE)
- LANGUE (NIVEAUX DE)LANGUE NIVEAUX DEQu’il s’agisse du code écrit ou du code parlé, les utilisateurs de la langue ont à leur disposition une gamme de procédés différents pour exprimer des messages ayant sensiblement même contenu: on appelle niveau de langue le registre dans lequel, du quadruple point de vue de la phonétique, du lexique, de la syntaxe et de la stylistique, le message est encodé. Les problèmes liés à l’expression sont généralement pris en compte par la seule stylistique, dont l’un des buts avérés est d’étudier les variantes et les écarts que manifeste chaque emploi marqué par rapport à un niveau-origine, supposé neutre et purement informatif. Mais là où le grammairien classique imposait une norme et énonçait un jugement, le linguiste relève un fait qu’il analyse en le reliant aux formes psychologiques et sociales dans lesquelles il s’insère.Historiquement, la notion de niveau de langue n’est pourtant pas nouvelle: l’Antiquité nous avait appris à reconnaître entre l’humilis, le mediocris et le gravis stylus , du plus bas jusqu’au plus soutenu. Cette trinité était assez bien représentée, pour la critique ancienne, par la production de Virgile:Bucoliques , Géorgiques et Énéide . Les classiques, héritiers de cette tradition, répertorient, dans maint traité, des séries synonymiques qui se répartissent dans cette distribution tripartite: «Face est du stile sublime; visage du stile médiocre; garbe, frime, frimousse du stile burlesque» (Mauvillon, Traité de stile , 1751).De nos jours, il se rencontre deux tendances proprement linguistiques concernant cette question. La première, qu’on pourrait dire scientiste, s’efforce de mettre en relation les connotations des séries de synonymes (automobile, auto, voiture, bagnole, tire...) avec le groupe social ou les conditions objectives où le discours est produit; la typologie des moyens d’expression recouvre alors une socio-psycho-physiologie de la stylistique, qui applique son enquête aux divisions traditionnelles de la grammaire, prises comme autant de champs où peuvent être éprouvés des corpus significatifs donnant lieu à des descriptions parfois assez fines. La seconde récuse le postulat quasi euclidien aux termes duquel il existerait une typologie des énoncés où figurerait un degré zéro: le style n’est que le passage obligé de la langue à la parole, et on l’appelle parfois neutre par confusion entre la «transmutation d’une humeur» (R. Barthes) et la valeur idéologique des signes. De ce dernier phénomène il est parfois difficile de faire abstraction, car le langage, en soi phénomène social, est subverti en vue de la persuasion ou de l’intimidation, en sorte que prétendre neutre un énoncé, c’est se placer au plan idéal où le langage, ayant quitté à la fois le rôle subjectif et interpersonnel qui lui est imparti, n’aurait plus, du coup, d’utilité. Pour les tenants de cette stylistique-là, c’est bien évidemment la modulation rhétorique, affectant toute production de parole sans exception ou tout texte écrit, qui doit, dans une théorie de l’énonciation, faire l’objet d’une élaboration scientifique.
Encyclopédie Universelle. 2012.